La B.M.W s’engagea dans les gorges de la Mescla. Paul ne conduisait pas vite, il savait qu’il ne pourrait rien empêcher entre Pascal et Marine, tant que celle-ci serait aux mains du jeune homme, et il voulait conserver tout son influe nerveux pour le duel à venir. Après quelques minutes de conduite, il déboucha sur une longue ligne droite, qu’il aborda à vitesse modérée. Après qu’il eut parcouru le tiers, environ, de la chaussée rectiligne, son téléphone de voiture sonna. Il décrocha. Comme il s’y attendait, c’était Pascal.

·     Ca va, prof, tu as roulé raisonnablement. Arrête-toi en bordure de route, près de l’arbre mort que tu vois à ta droite. Voilà, c’est bien. Ecoute-moi à présent. Tu vas emprunter le petit chemin que tu vois à ta gauche, à moins de cent mètres de toi. Il descend dans le lit du var. Tu peux y aller ! Il est carrossable. Tu vas rouler environ cent cinquante mètres, puis tu t’arrêteras. Tu pourras alors voir mon véhicule. Marine est à l’intérieur. Elle est bâillonnée et attachée au volant par une paire de menottes. Ses pieds sont attachés, de même, à la colonne de direction. Les clés des deux paires de menottes sont dans la poche gauche de mon blouson. Si tu me tues, elles seront à toi, avec la fille. En descendant de ta voiture, tu déposeras la mallette sur le capot et tu l’ouvriras pour montrer les billets. Tu sortiras ceux-ci de la mallette et tu les empileras sur ta voiture pour que je puisse apprécier leur quantité avec mes jumelles... Enfin, tes jumelles Zeiss. Tu marcheras ensuite en direction de ma voiture. Je me montrerais à toi à ce moment-là. Dès que nous nous serons en vue, l’un de l’autre, les hostilités pourront commencer. Après le premier coup de feu, il sera interdit de se dissimuler derrière un obstacle quelconque. Bonne chance, mon vieux !

·     Bonne chance à toi aussi, Pascal, tu en auras bien besoin.

Ils raccrochèrent tous les deux presque simultanément.

Paul était à présent très déterminé et très calme. Il embraya et engagea son véhicule dans le chemin qui descendait vers le fleuve. Le soir commençait à tomber, dans une demi-heure il ferait trop sombre pour pouvoir ajuster une cible, même avec un viseur à point rouge. Quand il aperçut la voiture de Pascal, dans laquelle il devinait une silhouette de femme aux cheveux longs, il arrêta sa B.M.W et sorti avec la mallette et avec son équipement de tir. Il exécuta scrupuleusement les ordres de Pascal, en lui présentant les billets, puis s’équipa posément de son casque dont il avait réglé le gain au maximum. Il engagea un chargeur dans son pistolet qu’il arma ;  glissa un autre chargeur dans une poche, qu’il ferma avec sa fermeture éclair ; plaça une boîte de cartouches supplémentaires dans une autre poche, qu’il ferma également. Il avait revêtu un survêtement de sport, qu’il utilisait habituellement sur son bateau.

Il s’avança en direction de la voiture de Pascal, sans voir celui-ci pour l’instant. Avant de quitter sa villa, il s’était livré à un petit calcul de trigonométrie élémentaire qui lui avait permis de réaliser quelques tracés sur un mur de son garage et de régler son viseur pour un tir à cent mètres. La flèche des balles qu’il allait tirer était relativement faible à cette distance, mais il préférait corriger le viseur plutôt que corriger le point de visée.

Il avançait toujours lentement, en direction de la voiture dans laquelle se trouvait Marine, sans voir Pascal, quand une balle siffla à ses pieds, suivie d’une détonation. Il se tourna instinctivement d’environ un quart de tour et vit le jeune homme. Il se trouvait au sommet d’un remblai, qui s’élevait en pente douce à sa droite, à environ deux cents mètres de lui.

·     Voilà la balle qu’il avait dans la culasse, il lui en reste seize. J’ai l’impression qu’il n’a pas réglé correctement son viseur, il va falloir qu’il agisse comme les artilleurs : un coup trop court, un coup trop long...

Paul continua à avancer sans essayer de tirer. Pascal, qui s’était immobilisé pour ajuster son premier tir, se remit également en mouvement. Les deux hommes se rapprochèrent encore d’environ une cinquantaine de mètres sans rien dire. Pascal s’arrêta, mit Paul en joue et fit feu. Ce dernier vit l’éclair jaillir du canon de l’arme. Il ferma les yeux avant d’entendre l’écho de la détonation et attendit calmement. Rien ne lui permit de déceler où était passée la balle. Il ouvrit les yeux et avança encore, imité par Pascal.

·     Alors, mon vieux prof, tu n’as pas l’intention de tirer ? J’aimerais que ce soit un duel, pas une exécution !

Paul ne répondit pas et continua à avancer. Il vit le jeune homme l’ajuster à nouveau et tirer. Cette fois-ci, il ressentit un violent choc sur son épaule gauche, suivi d’une douleur fulgurante. Il était touché. Il marqua un temps d’arrêt, déséquilibré par l’impact de la balle. Avec un effort prodigieux sur lui-même, il rétablit son équilibre et continua à avancer. Depuis un moment, sa seule préoccupation était d’évaluer la distance qui le séparait de son adversaire, et de prendre des repères pour être renseigné au moment où ils seraient écartés d’une centaine de mètres.

Après un moment d’hésitation, Pascal poussa un hurlement de triomphe en voyant qu’il avait touché l’industriel. Il l’incita à nouveau, par la voix, à ouvrir le feu. Tout en parlant, il se remit à avancer lui aussi.

Paul s’était immobilisé, les deux pieds fermement campés, son arme, tenue à deux mains, pointée vers le sol devant lui. Il laissa Pascal avancer encore de quelques mètres, puis, posément, leva son pistolet, positionna le point rouge de son viseur au centre de la poitrine du jeune homme et pressa posément sur la détente. Le coup partit dans un éclair de feu aveuglant, le compensateur de recul cracha des flammes encore plus impressionnantes que celles qui sortaient du canon de l’arme. Complètement aveuglé, Paul resta un moment indécis, se jurant de fermer les yeux au moment du départ du prochain coup de feu qu’il tirerait. Alors, qu’à aucun moment, il n’avait eu peur depuis le début de l’affrontement, même quand il s’était vu ajusté par son adversaire, il vécut dans l’angoisse les quelques secondes d’aveuglement qui suivirent son premier tir. Malgré le compensateur, le recul avait été terrible, provoquant une douleur atroce à son épaule blessée. Quand sa vision redevint normale, il ne vit plus Pascal à l’endroit où il se trouvait quelques instants au paravent. Ce constat le fit tressaillir d’angoisse, le jeune homme avait spécifié que les deux combattants ne devraient pas se dissimuler derrière un obstacle naturel, mais il n’avait pas dit qu’il devrait conserver la même position ou la même ligne de progression. Il s’attendait à recevoir, d’un moment à l’autre, une balle dans le côté ou dans le dos. Lorsqu’il eut récupéré toute sa vision, dans le crépuscule qui tombait, il vit, qu’en fait, Pascal était allongé sur le dos, à l’endroit où il se trouvait au moment où il avait ouvert le feu sur lui. L’arme pointée sur le corps immobile, il avança prudemment, il savait le jeune homme capable d’une ruse insensée. Quand il fut parvenu à quelques mètres du corps, il vit qu’il ne s’agissait pas d’une ruse. Son ancien ami gisait sur le sol, les jambes et les bras écartés, les yeux ouverts vers le ciel, avec un énorme trou saignant dans son blouson, au milieu de sa poitrine, un peu sur sa gauche, à l’endroit où se trouvait son cœur. Paul crut déceler une expression d’étonnement sur le visage du jeune homme crispé par la mort.

·     Merde ! Je t’avais bien dit, mon petit gars, que mon premier tir était toujours mortel.

L’industriel aurait aimé se pencher sur la dépouille de celui qui avait été son ami, et qui l’avait si bien aidé à retrouver Marine, pour lui clore les paupières et lui rendre hommage, mais il sentit que sa blessure ne lui en laisserait pas le loisir. Il ôta le chargeur de son arme, éjecta la cartouche qui était dans la chambre de tir, éteignit son viseur à point rouge, plaça le pistolet dans sa ceinture, au niveau de ses reins, malgré la longueur inhabituelle du canon qui le meurtrissait, et se pencha vers le corps de sa victime, en essayant de ne pas regarder son visage. Il ouvrit la fermeture éclair de la poche gauche du blouson, prit le trousseau de clés qui s’y trouvait et se redressa aussitôt. D’un pas rapide, malgré sa blessure, qu’il avait complètement oubliée au moment d’ouvrir le feu, mais que le choc du recul lui avait brutalement rappelée, il se dirigea vers la voiture qui emprisonnait Marine. Une nouvelle douleur soudaine lui rappela qu’il était sérieusement touché. Il regarda son épaule meurtrie et constata que son survêtement était couvert de sang. Il devait stopper immédiatement l’hémorragie, s’il ne voulait pas risquer de défaillir de faiblesse. Il sortit un mouchoir de sa poche, tenta de le positionner sur la plaie, la douleur était si vive qu’il faillit s’évanouir. Il comprit qu’il était urgent de libérer Marine pour qu’elle puisse éventuellement le secourir, en cas de défaillance.

Paul parvint enfin à la voiture et constata que les portières n’étaient pas fermées à clé. Marine se tenait immobile, les mains posées sur le volant, un bandeau sur la bouche. Il chercha la clé des menottes, qui entravaient les mains de la jeune femme, dans le trousseau qu’il avait pris dans la poche de Pascal. Il avait l’impression que sa vue commençait à se brouiller. Le crépuscule était déjà bien avancé, ce qui ne facilitait pas sa recherche. Pour la première fois, il regarda les yeux de Marine qui l’observaient. Il eut nettement l’impression que ces yeux humides étaient remplis de compassion et d’amour pour lui. Malgré la fatigue qui s’emparait de lui, ce constat fut comme un baume sur sa blessure. Soudain il repéra deux petites clés identiques. Son esprit commençait à se brouiller, il pensa « toujours le premier coup qui est le bon... ». D’un geste d’automate, avec une précision étonnante par rapport à l’état de ses sens, il introduisit la clé dans la serrure que lui présentait la jeune femme et la fit tourner sur elle-même.

 

 

* * 52 * *

 

Paul s’éveilla dans sa chambre, au lever du jour. Grâce à la lueur incertaine qui pénétrait par la fenêtre incomplètement masquée par les rideaux, il devina une silhouette de femme assoupie dans un fauteuil. Il reconnut immédiatement Marine. Il essaya de bouger, une douleur lancinante lui rappela qu’il était blessé à l’épaule gauche. En tâtonnant avec sa main droite, il constata qu’un magnifique bandage emprisonnait l’épaule blessée. Les mouvements, qu’il venait de faire, avaient réveillé la jeune femme. Elle se leva du fauteuil et s’approcha du lit. Quand elle fut suffisamment près de Paul, elle vit qu’il la regardait, les yeux grands ouverts. Elle murmura aussitôt.

·     Comment ça va ?

·     Très bien, si je ne bouge pas, j’ai mal nulle part.

·     Votre ami, le docteur Guisardi, vous a bien soigné. Il a dit que vous n’aurez aucune séquelle.

·     Pourquoi m’avoir veillé, au lieu de vous reposer ? Vous devez avoir eu une journée pire que la mienne.

·     Je n’ai pas eu une journée très pénible, dans l’ensemble. Je n’ai jamais pris ce second enlèvement au sérieux. Pascal a d’ailleurs été charmant avec moi. Il m’a attachée et bâillonnée, mais sans violence. Je n’ai commencé à m’inquiéter que lorsque j’ai appris que ce qu’il désirait n’était pas seulement votre argent, mais qu’il voulait, en plus, vous abattre. Je n’ai compris cela que lorsqu’il vous a téléphoné devant moi, dans la voiture.

·     .....

·     Paul !

·     Oui, Marine ?

·     Tout ce qu’il a dit, sur les rapports qu’il avait eu avec moi, est faux. Je crois qu’il voulait vous mettre hors de vous pour que vous lui livriez un véritable combat à mort.

·     Tant mieux, si c’est faux... Je ne regrette rien quand même, car je crois que c’était la seule fin possible.

·     Il y avait malheureusement une autre fin qui était possible... Il voulait vraiment vous tuer. Sa mort n’a pas été un suicide, il était réellement décidé à vous abattre.

·     Paix à son âme. Je souhaiterais que l’on ne parle plus de lui pour l’instant.

·     D’accord.

·     Comment m’avez-vous vous ramené jusqu’ici ?

·     Heureusement que vous êtes parvenu à me libérer les mains avant de vous évanouir. Me libérer les jambes a été un jeu d’enfant. Me rendant compte que je n’avais aucune chance de pouvoir vous ramener sans chocs jusqu'à votre voiture, et ne voulant pas la laisser sur place en utilisant celle de Pascal, j’ai d’abord examiné votre blessure. Les cours de secouriste, que j’ai suivis il y a quelques années m’ont été utiles. Je me suis rendu compte que votre blessure n’était pas très grave et qu’il suffirait, en attendant des secours, de stopper l’hémorragie. J’ai pu le faire en utilisant quelques pièces de ma lingerie intime. Ensuite, je vous ai couvert, aussi bien que j’ai pu. C’est alors, seulement, que j’ai trouvé la fabuleuse boîte à pharmacie de votre voiture. Le contenu de cette véritable pharmacie de campagne m’a permis de remplacer mes charpies par des compresses et des bandes plus efficaces. Un petit coup de désinfectant au passage et le tour était joué. Je vous ai enfin recouvert avec les couvertures de secours en aluminium que contenait la boîte. Après, j’ai utilisé votre téléphone de voiture pour appeler du secours, ce qui m’a permis de joindre Emilie.

·     Pendant ce temps, j’étais toujours évanoui ?

·     Non, pas de façon continue. Vous n’étiez pas complètement dans le cirage, mais bien sonné quand même. Une demi-heure plus tard les renforts arrivaient : Emilie, Albert et le docteur Guisardi avec sa trousse de premiers soins. Après, cela s’est passé comme dans un rêve par rapport aux premiers instants.

·     Vous m’avez sauvé la vie !

·     Je n’ai pas fait grand-chose, par rapport à tout ce que vous avez fait pour moi.

Un silence s’était établi entre eux, chacun se remémorant, de son côté, les événements des heures précédentes. Paul reprit la parole le premier.

·     Comment Pascal vous a-t-il trouvée en ville ?

·     Je crois qu’il a dû nous suivre, quand nous avons quitté la villa. Il a continué à le faire à pied, pendant longtemps, avant de se manifester. Quand il est apparu, et qu’il m’a proposé de me raccompagner jusqu’ici en voiture, j’ai accepté avec plaisir. Mes courses étaient achevées et j’avais très mal aux pieds. Rassurez-vous, j’ai récupéré les paquets qu’il avait déposés sur la banquette arrière de son véhicule.

La jeune femme s’était déplacée lentement, du pied du lit, où se trouvait le fauteuil, elle était remontée jusqu'à la tête. Elle continua à parler d’une voie douce.

·     Je ne suis pas resté à vos côtés uniquement pour veiller sur vous. Le médecin m’avait dit qu’il n’y avait aucun risque de complications. En fait, je voulais réfléchir.

·     Réfléchir à quoi ?

·     A vous, à vous et à moi.

·     Quel est le fruit de cette réflexion ?

·     Je crois que le moment n’est plus aux paroles, je suis d’ailleurs fatiguée, il faut que je me couche.

Avec des gestes lents et mesurés, toujours souriante, elle commença à se déshabiller, sous les yeux ahuris de Paul qui n’osait pas croire à ce qu’il voyait. La robe tomba sur la moquette, suivie par une combinaison. Son soutien-gorge, dégrafé, libéra ses seins fermes, en forme de poires. D’un mouvement vif elle ôta sa petite culotte. Elle souleva le drap et se glissa avec légèreté dans le lit. Par quelques mouvements de reptation latérale, elle vint coller son corps nu contre celui de l’homme qui prit soudain conscience qu’il était nu également.

·     Qui m’a déshabillé ?

Un rire cristallin lui répondit.

·     Juste retour des choses ! Comme c’était le cas pour moi, c’est Emilie qui l’a fait.

Tout en parlant, la jeune femme avait approché sa tête de celle de son ami. Au moment où il voulut prendre encore la parole, deux lèvres chaudes vinrent se coller contre ses propres lèvres et une langue humide prit possession de sa bouche. Paul, eut un vertige qui n’avait aucun rapport avec sa blessure. Sa main valide se lança à la découverte du corps de Marine. Elle rencontra des formes rondes et veloutées, convexes et concaves, sèches et humides, dont le contact faisait battre violemment son cœur. Devant tant de merveilles, sa main s’affola un peu.

·     Doucement, mon amour, tu as toute ta vie pour découvrir mon corps. Si tu n’étais pas blessé...

·     Si je n’étais pas blessé ?

·     On pourrait vérifier, si ce qu’a dit Pascal sur mon tempérament de feu est vrai.

·     Je crois qu’en restant bien couché à plat sur le dos je ne risque rien.

·     On peut essayer...

Les lèvres de Marine se posèrent à nouveau sur celles de Paul, mais ce n’était qu’un point de départ, elles glissèrent ensuite sur son cou, puis sur sa poitrine. D’un mouvement souple, avec la grâce d’un dauphin qui sonde sous la surface de la mer, elle pénétra sous le drap et disparut aux yeux de son amant. Bien que ne pouvant pas la voir, il ne perdait rien de ce qu’elle faisait. Il sentit ses lèvres courir sur son abdomen, puis sur son aine, amorçant un mouvement tournant autour de son sexe, sans s’en approcher. La tête de la jeune femme s’immobilisa un instant en face du creux de ses cuisses, entre lesquelles sa verge hypertrophiée était braquée, il suspendit son souffle en attendant qu’elle prenne une décision. Par une impulsion soudaine, la petite tête se rapprocha du lieu convoité, la gaine douce et humide de sa bouche vint emprisonner son gland et la plus grande partie de sa verge. Il gémit de plaisir et de fureur sexuelle contenue.

Avec ravissement, Paul observait le mouvement de va-et-vient régulier qu’effectuait, sous la couverture, la bosse provoquée par la petite tête qui s’activait pour sa satisfaction. Il essaya d’imaginer la chevelure flamboyante que lui dissimulait le tissu. Ce que la jeune femme était en train de lui faire, la putain du piano-bar aurait pu le faire aussi bien et peut-être même mieux, mais ce qui n’aurait été alors qu’une caresse sexuelle agréable, avait à présent la valeur inestimable d’un merveilleux cadeau offert par la personne aimée. Paul était littéralement enchanté à la pensée que la femme qu’il avait divinisée par son adoration, surmontant ses répugnances et ses inhibitions, était en train de s’évertuer à lui donner un plaisir sans partage. Ce rendant compte qu’à ce petit jeu il n’allait pas pouvoir conserver le contrôle de sa jouissance très longtemps, il prit délicatement la tête complaisante avec sa main disponible et l’attira vers le haut, l’obligeant à venir baiser ses lèvres. Le deuxième baiser de Marine fut nettement plus enflammé que le précédent.

Délicatement, en faisant très attention de ne pas toucher son épaule meurtrie, la jeune femme vint s’installer sur lui. Tout en continuant à l’embrasser avec passion, elle vint coiffer, de sa vulve ruisselante, la pointe de son sexe dressé. En frémissant de douleur, de désir et d’impatience, par des mouvements rythmés de son bassin, elle vint s’embrocher sur le membre viril exacerbé. Paul se rendit compte, avec un bonheur indicible, que le sexe de Marine n’avait pas été visité par un sexe d’homme depuis très longtemps. Une fois de plus, son plaisir physique était décuplé par sa satisfaction intellectuelle.

Obligé de conserver le contrôle de son plaisir pour éviter une éjaculation trop rapide, ce qui l’amenait à conserver un peu de distance par rapport à l’acte sexuel en cours, il réalisa avec délices que sa partenaire, par contre, ne semblait pas s’embarrasser de considérations intellectuelles. Elle manifestait une riche sexualité, un enthousiasme vivifiant dans la prise du plaisir qui l’émerveillait. Ce pauvre fou de Pascal avait bien deviné le tempérament fougueux de la journaliste.

Après avoir jouie avec des degrés de violence progressifs, la jeune femme, exténuée, se laissa glisser dans le creux de l’épaule valide de son amant et, après un dernier baiser et quelques mots tendres, s’endormit comme un enfant. Paul resta éveillé, n’ayant pas trop de minutes pour se remémorer tous les instants divins qu’il venait de vivre dans les bras de la femme aimée. Déjà, il était impatient de la couvrir de mille caresses et de mille baisers. Il avait hâte d’être guéri pour pouvoir rendre hommage, comme il le méritait, à ce corps fait pour l’amour. Il cherchait à imaginer toutes les saveurs et tous les arômes qu’il allait découvrir sous la toison flamboyante qui dissimulait le centre de sa féminité. Il se plaisait à imaginer toutes les douces violences qu’il allait lui imposer, devinant que cette femme amoureuse accueillerait avec passion, toutes les caresses et toutes les pénétrations qui lui eussent été odieuses venant d’un autre homme. Peu à peu, du rêve éveillé, il pénétra dans le rêve du sommeil profond, sans qu’il n’y ait apparemment de rupture.

 

 

* *  53 * *

 

Le commissaire Bertrand fit entrer Marine Duroc et Paul Morelli dans son bureau.

·     Bonjour commissaire.

·     Entrez, mademoiselle Duroc et monsieur Morelli. Pour une fois ce n’est pas moi qui vous rends visite. Je me suis dit que si je voyais encore une fois mademoiselle Duroc dans une piscine j’allais craquer.

·     Je vous comprends, commissaire, il y a longtemps que j’ai craqué moi-même.

·     J’ai une nouvelle pour vous, monsieur Morelli. Je crois qu’elle va vous surprendre. Nous avons enfin retrouvé Pascal Légitimus.

·     Il s’est donc bien suicidé !

·     Qui vous dit que nous l’avons retrouvé mort ?

·     Dans le cas contraire, je pense que vous auriez dit « arrêté ».

·     Pas mal comme esprit d’à propos. En effet, il s’est suicidé. Un bien curieux suicide d’ailleurs, jugez-en par vous-même : il avait une balle de calibre .44 magnum dans le cœur, alors qu’il tenait à la main un 9 mm parabellum !

·     Un problème de balistique effectivement insoluble.

·     Dans sa voiture, qui était garée à proximité, nous avons retrouvé un tas de choses : du sang (qui n’est pas à Pascal), des menottes, un bâillon, des empreintes, beaucoup d’empreintes, les vôtres, celles de Marine Duroc... Un vrai plaisir pour le labo de la police !

·     .....

·     J’en arrive à me demander si ce fameux Légitimus ne s’est pas suicidé en obligeant un tireur d’élite à l’affronter en combat singulier, un duel au pistolet par exemple. Pour contraindre cet homme au duel, il aurait pu enlever sa bien-aimée, par exemple. Une demoiselle qui aurait pu déjà être enlevée une première fois par trois voyous, sous la direction d’un « cerveau ». Lesquels quatre individus sont morts depuis de façon violente. Vous voulez que je continue, monsieur Morelli ?

·     Non, c’est inutile.

·     Au fait, votre épaule gauche me semble avoir un petit problème. En cherchant un peu, ne pourrait-on pas y trouver une blessure par balle, par hasard.

·     Oui, effectivement.

·     Non, n’avouez jamais ! Paul Morelli, si vous voulez commencer une carrière de tueur il faut apprendre quelques notions de base que tous les gangsters connaissent bien. Le premier principe est : « n’avouez jamais ! ». C’est valable aussi bien pour les tueurs que pour les hommes qui trompent leurs femmes.

·     Je ne comprends pas très bien à quoi vous voulez en venir, commissaire.

·     C’est pourtant très simple : dans cette affaire, les morts sont des voyous, un grand criminel et un fou sanguinaire, les vivants sont une jeune journaliste innocente et un industriel honnête et courageux. On va donc tirer un trait, sans regret, sur les morts et laisser les vivants vaquer à leurs occupations. Tout ceci à une condition, quand même.

·     Laquelle, commissaire ?

·     C’est mademoiselle Duroc qui est en cause.

·     Moi ?

Marine qui s’était tenue à l’écart de la discussion, se rapprocha des deux hommes.

·     Oui, vous. Il y a d’ailleurs deux conditions : la première est que vous nous concoctiez un bel article qui explique de façon très claire toute cette histoire à vos lecteurs. Que ses braves gens se rassurent en apprenant que tous les mauvais sujets, impliqués dans cette affaire, sont morts. Et donc que justice a été faite sans que la police n’ait eu à intervenir.

·     Pour cette première condition, pas de problème, commissaire.

·     Je crois que sur ce point je peux vous faire confiance. La deuxième condition est d’ordre plus intime. Je souhaiterais que vous surveilliez de très près un dénommé Paul Morelli. Ce tireur invétéré a, ces derniers temps, pris la fâcheuse habitude de faire des cartons sur des hommes en chair et en os. Je voudrais qu’il cesse ce genre d’activité de façon définitive. Je crois d’ailleurs que, s’il avait à s’occuper d’une jolie femme, il aurait peut-être moins de goût pour le tir, même sur des cibles en carton. Je n’ai rien contre le tir, mais je crois que dans son cas, ce sport n’est pas très indiqué.

·     Ne vous inquiétez pas, commissaire, je vais m’occuper de ce monsieur. Je crois que, dans les mois qui viennent, il n’aura plus beaucoup de temps à consacrer au tir de loisir. Quand il aura gagné l’argent nécessaire à la subsistance des nombreux enfants que j’ai l’intention de lui donner et qu’il se sera occupé de leur mère, je crois qu’il n’aura plus beaucoup d’énergie à gaspiller dans le tir.

·     A voir la lumière qui brille dans vos yeux en le regardant, je crois que je peux vous faire confiance sur ce point-là également. Allons, Paul Morelli, reprenez-vous ! Il semblerait que vous veniez de découvrir votre future vocation de chef de famille nombreuse ?

·     En effet, commissaire, je viens d’en être informé à l’instant. Nous feriez-vous le plaisir et l’honneur d’être le parrain du premier né ?

·     Bien volontiers, si vous pensez que je ne suis pas trop âgé pour tenir ce rôle, n’attendez quand même pas trop...

Marine regarda les deux hommes avec un large sourire et affirma :

·     Neuf mois, commissaire, pas un de plus. Ce sera un hommage rendu à un ami, qui tenait expressément à ce que l’on ait beaucoup d’enfants, comme dans les contes de fées.

 

* * FIN * *