La journée du lendemain, commencée très tôt dans la piscine, se poursuivit sur le bateau. Marine avait, la veille, refusé de se coller une pastille derrière une oreille. Elle préférait prendre le risque de voir d’abord si elle était incommodée. Elle ne ressentit, en fait, aucun malaise. Paul lui fit découvrir les principes de la navigation à voile, en croisant devant le massif de l’Estérel, sous un chaud soleil de fin d’été. Virements de bords vent debout, virements lof pour lof, empannage contrôlés, prés serré, prés bon-plein, petit largue, vent de travers, largue, grand largue, vent arrière... Il lui fit décliner toutes les allures et toutes les manœuvres d’un voilier de plaisance.

·     Pour vous, qui avez fait du ski, les virements de bords vent debout n’aurons rapidement plus de secret. La voile, comme le ski sont des sports dynamiques, dont tout le secret réside dans la conservation de la vitesse. En voile, comme au ski, c’est la vitesse qui fait virer. Avec un quillard lourd, comme celui-ci, de petites erreurs vous seront pardonnées, avec un dériveur, l’analogie avec le ski serait complète.

Marine était une élève attentive, curieuse de tout comprendre et d’apprendre. Malgré son intérêt pour la technique de la navigation à voile, elle ne perdait rien de la beauté des sites, de la luminosité de l’air, du bleu profond de la mer. Comme elle l’avait déjà ressenti en montagne, elle avait l’impression que tous ses sens étaient exacerbés. Elle ne se rassasiait pas de la vision des roches de porphyre rouge de l’Estérel, dont les sommets se découpaient sur l’azur du ciel et dont les assises, baignant dans la mer d’un bleu profond, étaient ourlées par la frange blanche du ressac. Elle comparait le vieux massif à un troupeau de buffles immenses, accroupis dans l’eau, dont la toison verte et bouclée dissimulait mal le cuir rouge.

·     Je crois que je connais à présent l’image du paradis.

·     C’est l’une des images du paradis sur terre, effectivement.

Ils naviguèrent près des côtes à l’aller, jusqu’au golf de Saint-Raphaél, où ils virèrent autour du Lion de Mer, puis au large au retour, vers les îles de Lérins. Avec un bon vent de force 4, bien établi, soufflant du Sud-Ouest, sur une mer calme, Marine apprécia la docilité du voilier à la barre. Elle ressentit très vite, l’attachement charnel qui lie le barreur au vent, à travers le gréement du bateau. Après avoir accepté de tenir la barre avec un peu de réticence, elle ne la lâcha plus jusqu'à l’entrée du chenal qui sépare l’île de Saint-Honorat de sa grande sœur, Sainte-Marguerite.

Suivant, comme la plupart des Français, les exploits des navigateurs à la télévision et, comme eux, rêvant parfois de voile, Marine n’avait jamais eu l’occasion d’embarquer sur un voilier. Ses seuls contacts, avec un bateau, se résumaient à quelques traversées de la Manche sur un car férie.

·     Comment, avec un tel prénom, pouviez-vous si mal connaître la mer, pour ne l’avoir fréquentée que sur les plages ?

·     C’est justement au niveau de mon prénom que se situe tout le problème. Quand mon père connut ma mère, il était amateur de bateau. Ma mère avait une peur panique de la mer et était affreusement malade sur l’eau. Mon père sacrifia la mer à son épouse et celle-ci, en échange, lui offrit une fille qu’elle appela Marine.

·     C’est une belle histoire, bien qu’un peu triste. Je vais enrouler les voiles et nous allons mouiller l’ancre à l’entrée de la passe, pas loin de chez Frédéric, où nous allons déjeuner tout à l’heure.

·     Je croyais que vous aviez apporté de quoi manger.

·     Ce sera pour ce soir, pour le barbecue. En attendant, je largue les écoutes pour pouvoir enrouler les voiles.

·     Vous ne m’avez pas dit qu’il fallait toujours hisser les voiles et les affaler bout au vent ?

·     Bravo, vous apprenez vite. Lorsque l’on veut s’arrêter rapidement ou lorsque le vent est vif, oui. Dans notre cas, nous sommes à présent déventés par l’île, nous allons pouvoir laisser le bateau continuer sur son ère jusqu'à ce qu’il s’arrête complètement. Je ne ferais pas cela à l’intérieur de la passe ou si je n’avais pas un moteur qui démarre au quart de tour, car, après avoir affalé, nous n’aurons plus aucun moyen pour stopper le voilier, si ce n’est de mouiller l’ancre en catastrophe, ce qui ressemblerait fort à du cafouillage !

 

Bien que le mois de septembre soit bien avancé, de très nombreux bateaux, de toutes tailles et de toutes natures, étaient au mouillage entre les deux îles, profitant de l’eau calme et cristalline de la passe.

·     Que l’eau est claire, on voit le fond comme si on allait le toucher !

·     Il y a un courant permanent entre les îles qui permet à l’eau de se renouveler, ce qui lui donne cette transparence, malgré la pollution qu’apportent fatalement tous ces bateaux.

Paul s’était rendu sur la plage avant du voilier et avait sorti la commande électrique étanche du guindeau, de l’intérieur du puit à mouillage. Il appuya sur un poussoir pour libérer la chaîne et mouiller l’ancre. Il revint, ensuite, dans le cockpit.

·     Vous avez jeté l’ancre ?

·     Non, je l’ai simplement mouillée, elle peut encore servir !

Paul rit en voyant l’air interloqué de la jeune femme.

·     Excusez-moi, je suis un vieux garçon célibataire qui a quelques marottes. Je ne supporte pas l’expression, généralement répandue, de « jeter l’ancre ». Même Cousteau l’utilise à la télé.

·     Vous n’êtes pourtant pas célibataire depuis très longtemps.

·     Je crois que je n’ai jamais cessé de l’être, cela irritait prodigieusement ma femme.

·     Cela n’est pas un bon argument de vente, quand on veut séduire une acheteuse rousse...

Paul regarda intensément Marine dans les yeux et répondit.

·     Même lorsque l’on ne veut pas se vendre, mais s’offrir, il faut éviter de tromper la cliente sur la marchandise.

·     Comment va-t-on aller chez Frédéric ?

·     Le passeur va venir nous chercher, je lui ai dit 13 heures, il ne va pas tarder. A Nice on disait le « passagin », il y en avait un, à l’époque où la marche à pied était de mise, pour traverser le bassin Lympia du port de Nice. C’était une barque de pêche mue à la rame. Ce « passagin » était un confrère du commandant Escartefigue qui, si j’en crois Pagnol, faisait traverser le bassin de la joliette sur son vapeur.

·     Tu me fends le cœur !

·     Pas mal pour l’accent marseillais ! Voilà, à présent, le bateau est en train de tourner sur son ancre, pour venir se placer nez au vent. Le tout est de bien calculer son coup pour ne pas se trouver coller à un bateau déjà en place.

·     Vous n’avez effectivement pas recherché la facilité !

·     Il faut vivre dangereusement, disait James Bond...

Installé près de la commande du moteur, Paul resta attentif aux mouvements du bateau, jusqu'à ce que celui-ci s’immobilise dans sa position finale.

·      Voilà justement notre « passagin ».

Un bateau à fond plat, piloté par un jeune homme blond et bronzé, se dirigeait vers eux en venant de l’embarcadère installé devant le restaurant.

·     Vous allez goûter aux délices de la langouste cuite sur un lit d’oignons émincés.

·     L’association est originale.

·     Ce n’est pas une cuisine très fine, mais elle a des saveurs très fortes.

 

 

* * 18 * *

 

Après un copieux repas, pris sous la tonnelle du restaurant, au bord de l’eau, ils sortirent à pied et se dirigèrent vers le chemin qui traverse l’île du nord au sud.

·     Je ne sais pas si je dois dire cela, mais j’ai trouvé que l’endroit était agréable, la cuisine très savoureuse, mais l’addition très salée.

·     Ah ! Frédéric, c’est particulier. C’est cher, oui c’est vrai, mais c’est unique. La saison est courte et il ne sert qu’à midi, ce qui, pour un restaurant cher, est un sérieux handicap.

·     Je me comporte encore comme une amie et toujours pas comme une invitée. J’ai, d’habitude, de meilleures manières, quand on m’invite au restaurant, mais avec vous je me sens tellement à l’aise que je me laisse dangereusement aller. Il va falloir que je me reprenne.

Paul fit, au passage, un petit signe au jeune homme qui attendait les convives à raccompagner. Vêtu seulement d’un jeans délavé, coupé en short, celui-ci faisait admirer ses pectoraux sur le ponton du restaurant.

·     Ce bel éphèbe se donne du mal en vain pour attirer votre attention.

·     Je n’ai jamais été attirée par les éphèbes !

·     Voilà une nouvelle qui me ravit et me redonne espoir !

La jeune femme posa une main sur le bras de son compagnon, et le regarda dans les yeux, avec ses yeux d’un vert intense dans lesquels le regard de Paul se perdit aussitôt.

·     Paul, je vous ai dit que mon cœur n’était pas à prendre. Je vous ai déjà donné mon amitié, sans partage, mais vous n’aurez rien d’autre, quoi que vous fassiez.

·     J’accepte votre amitié avec gratitude, mais vous ne pourrez jamais m’empêcher de vous faire la cour. J’essayerais de faire en sorte qu’elle soit suffisamment discrète pour ne pas vous lasser.

·     Pour l’instant, ça va !

Ils rirent tous les deux en marchant vers le monastère. Ils passèrent sous un vieux porche et pénétrèrent sur une longue allée toute droite, entourée de vignes et de pieds de lavandes.

·     Il faudra que vous entendiez striduler les cigales, en plein été, sur les eucalyptus qui bordent l’allée.

·     J’adore le chant des cigales, à lui seul, il symbolise le Midi et la Provence.

Après avoir tourné à gauche, à la fin de l’allée, ils parvinrent aux bâtiments du monastère. Négligeant le magasin qui vend les productions des moines et quelques souvenirs, Paul se dirigea vers la loge du portier. Marine resta quelques pas en arrière de lui, intimidée par l’entrée du monastère réservé aux hommes. Paul s’entretint un moment avec un moine trapu et bedonnant, qui semblait le connaître, et revint vers la jeune fille.

·     Voilà, j’ai réservé nos places pour le spectacle de ce soir.

·     Le spectacle ?

·     Vous allez voir, un merveilleux spectacle.

Avant de repartir, Paul conduisit la jeune femme dans la boutique du monastère et lui acheta une bouteille de Lérina, une liqueur confectionnée par les moines, avec le raisin et les plantes qu’ils cultivent sur l’île.

·     C’est une liqueur très digestive et les senteurs des plantes, qui la composent, vous rappelleront cette promenade dans l’île, quand vous serez dans la grisaille parisienne. Venez, à présent nous allons voir de plus près l’ancien monastère fortifié du XI° siècle.

·     Cette magnifique tour de pierres légèrement ocre que l’on voit du large ?

·     C’était beaucoup plus qu’une tour, des moines ont vécu pendant plusieurs siècles entre ces murs austères.

·     De quel ordre étaient ces moines ?

·     Ce furent très tôt des Bénédictins, plusieurs siècles avant Cluny, jusqu’en 1710 où un arrêt royal ferma l’abbaye pour non-paiement de ses impôts. Ce sont aujourd’hui, depuis 1871, des Cisterciens de l’Immaculée Conception de Sénanque qui ont relevé le couvent de ses ruines et rétabli la Règle de saint Bernard.

Les deux amis déambulèrent longuement à l’intérieur de l’édifice, dont l’état de conservation est remarquable pour un bâtiment désaffecté depuis plusieurs siècles. Paul tenta de faire renaître, sous les yeux de Marine, la vie difficile des moines perpétuellement en butte avec les Sarrasins. 

 

 

* * 19 * *

 

Quand ils revinrent vers l’allée, ils croisèrent des touristes, fraîchement débarqués d’une navette, qui arrivaient en marchant d’un bon pas, rouges et suants sous le soleil.

·     Ce que je vais dire est odieux, mais je commence à prendre du plaisir à faire partie des privilégiés qui n’empruntent pas les transports en commun pour venir sur les îles.

·     Il ne faut jamais bouder son plaisir, vous verrez ce soir, quand tous ces braves gens seront partis, comme vous apprécierez davantage encore ce privilège.

Ils regagnèrent le voilier, avec l’aide du passeur, que Paul gratifia d’un très généreux pourboire. Marine suivit son geste des yeux sans rien dire.

·     C’est un étudiant allemand qui gagne l’argent de ses études de cette façon, il n’est rétribué qu’au pourboire.

·     Je vous fais remarquer que je n’ai rien dit, une journaliste ne doit-elle pas tout voir ?

·     Je crois que rien n’échappe à ces beaux yeux verts ! Bon, que fait-on : on repart en navigation ou on visite l’île de Sainte-Marguerite ? Cette seconde île est beaucoup plus grande que celle où nous sommes, on peut y faire d’admirables promenades, sous de magnifiques arbres centenaires.

·     J’adore marcher dans les bois, mais les forêts ne manquent pas en région parisienne. Par contre, y faire de la voile, sur un bateau comme le vôtre, est plus rare.

 

Le vent avait un peu forci depuis le matin, mais la barreuse avait acquis de l’assurance. Le voilier était très stable et la présence attentive de Paul la rassurait complètement. Après être ressortis de la passe vers l’ouest, ils contournèrent l’île en frôlant la balise des moines et se dirigèrent vers le cap d’Antibes.

·     Ces îles aussi sont un paradis !

·     Un jour où nous aurons plus de temps, je vous ferais connaître mon île préférée, après Saint-Honorat qui a pour moi une valeur mythique, l’île de Port-Cros. La plus petite des îles d’Hyères, celle qui est au centre, entre Porquerolles et l’île du Levant. Et puis, il y a la Corse, avec ses merveilleux mouillages : la sauvage Girolata, le doux Campo Moro... De toute façon, vous ne connaîtrez pas réellement les plaisirs du bateau tant que vous ne vous serez pas réveillée, au petit jour, dans un bateau qui se balance mollement dans une petite crique parfumée des senteurs du maquis.

·     Après avoir passé une nuit blanche à cause du bruit des haubans !

·     Les haubans ne font pas de bruit la nuit, sauf si un grand vent les fait siffler, ce qui est très rare, les nuits d’été, en Méditerranée. Ce sont les drisses qui claquent contre les mats, si elles sont mal attachées. Je vous assure que l’on ne se couche pas le soir sans avoir étarqué tout ce qui peu bouger à bord.

·     Est-il vrai, qu’en arrivant en bateau, la nuit, à proximité de la Corse, on sent les parfums du maquis bien avant d’avoir vu l’île ? Je crois avoir lu cela sous la plume de Napoléon lui-même.

·     C’est parfaitement exact. Je me souviens d’une nuit surtout. Nous étions encore à une douzaine de milles du Cap-Corse (une vingtaine de kilomètres). Nous faisions route vers le rocher de la Giraglia, qui est planté à quelques milles au large de la pointe du cap. Il était trois heures du matin, la nuit était très noire. J’étais de quart depuis le début de la nuit et je luttais contre le sommeil. Soudain, le vent venant de l’île amena une forte odeur de maquis, un parfum que l’on trouve nulle part ailleurs. La garrigue provençale, pourtant très odorante, est loin d’avoir les mêmes senteurs violentes. Ce parfum terrestre me saisit dans ma somnolence, je me précipitais vers ma table à cartes, et mes appareils de navigation, pour vérifier ma position, ne pouvant croire que mon bateau se trouvait encore aussi loin de la terre, alors que son odeur était déjà là, si proche. Il faut avoir connu les pâles fantômes de l’aube, qui hantent les nuits sans sommeil des navigateurs, pour comprendre l’angoisse qui s’était emparée de moi pendant quelques instants, durant les quelques dizaines de secondes qui permettent à la conscience d’émerger complètement ! Mais vous verrez comme les nuits sont belles, au large, sous la myriade d’étoiles qui constellent les nuits sans lune. J’aurais mille et une histoires à raconter sur les nuits de navigation, quand, dopé de Coca-Cola et de vitamine C, on a l’impression d’être parfaitement lucide et que, tout à coup, un petit détail insolite fait basculer notre belle assurance et ouvre la porte aux mirages ou aux doutes. La fois où je vis distinctement un phare au beau milieu du golfe de Saint-Tropez. Je stoppais immédiatement le bateau et je pris une douche pour essayer, vainement, de chasser cette hallucination. Je demeurais ahuri jusqu’au moment où, m’approchant pour voir, je constatais qu’il s’agissait d’un énorme projecteur, embarqué sur un radeau traîné par une vedette, qui éclairait la scène nautique du tournage d’un film. Vous ne pouvez pas imaginer l’angoisse qui saisit un navigateur, la nuit, quand un indice remet brutalement en question la position qu’il croyait occuper, suite à de multiples relevés. La fois où l’attitude, que je jugeais tout à coup singulière, d’un dauphin qui escortait paisiblement mon voilier depuis plusieurs heures, me remit à l’esprit toutes les vieilles histoires parlant de ces animaux qui préviennent les navigateurs d’un proche danger de naufrage. Je percevais soudain la proximité d’une côte, sur laquelle la mer brisait, avec un tel luxe de détails, visuels et sonores, que je courus allumer un puissant projecteur, avec lequel je tentais, pendant quelques longues minutes, d’identifier le rivage dont il s’agissait. J’étais, en fait, à plus de quinze mille de tout rocher.     

La jeune femme regarda Paul en souriant, sans rien dire. Cela paraissait si simple de suivre cet homme dans ses passions. Pourtant, demain elle rentrerait à Paris, et si son sujet d’article n’intéressait pas son rédacteur en chef, elle ne verrait peut-être plus jamais Paul. Un petit pincement au cœur la saisit à cette pensée. Elle pensa « ma vieille, tu es en train de te laisser piéger ! ».

·     Vous avez froid ? Vous êtes très blanche tout à coup.

·     J’ai un peu froid au cœur, en pensant que demain, à la même heure, je serais à Paris.

Paul sourit. Il pensa, sans le dire, que parmi tout ce que Marine regretterait demain, il y aurait peut-être une petite place pour lui-même.

·     De toute façon, je ne serais jamais bronzée comme notre passeur-éphèbe !

·     Tant mieux, j’aime que les femmes aient la peau blanche.

·     Vos goûts sont très dix-neuvième siècle.

·     Pas pour ce qui est de l’opulence des formes ! Mais il est exact que j’aime les peaux de femme très blanches.

·     Ce n’est quand même pas une déclaration raciste que vous venez de faire ?

·     Certainement pas ! J’ai beaucoup d’amis noirs, des deux sexes, aux Antilles. Mais je ne vois pas sous quel prétexte je devrais me forcer à aimer les peaux bronzées ou les peaux noires, quand mes goûts me portent naturellement vers la blancheur laiteuse ?

·     Ce n’est pas une rousse qui pourrait vous le reprocher !

Laissant la Fourmigue largement à bâbord, le voilier poursuivait sa course vers le cap d’Antibes, sur une mer couverte de moutons d’écume.

·     Regardez, là, à bâbord, des dauphins ! Ils vont vers le large.

·     Oui, je les vois. Il faut avoir une vue très exercée pour les voir au milieu des vagues. Je ne croyais pas que l’on puisse en voir si près du bord.

·     J’ai eu pendant plusieurs années un bateau mouillé dans le port de Marina Baie des Anges. Pratiquement à chaque sortie du port, quand le temps était propice, c'est-à-dire une mer agitée d’un léger clapot, je voyais des dauphins. A tel point que je me suis demandé si l’origine du nom « Baie des Anges » ne venait pas de la présence fréquente, en ce lieu, de ces mammifères marins... Regardez ! A tribord, à présent. On en voit cinq.

Après que les gracieux animaux aient disparu de leur champ de vue, Marine repris la parole.

·     N’est-ce pas par ostentation, ou par snobisme, que les plaisanciers s’astreignent à utiliser les vieux termes de marine : milles nautiques, drisses, écoutes, bâbord, tribord ?

·     Stop ! Je vous arrête, car ce n’est absolument pas le cas. Prenons, comme exemples, les mots que vous venez d’énoncer. Pourquoi parler en milles nautiques plutôt qu’en kilomètres ? Tout simplement parce que le mille est la longueur d’une minute d’angle sur les cartes marines. Et, sur ces documents dont l’échelle varie en fonction de la latitude, comme mesurer les distances si ce n’est avec un compas ?

·     L’échelle des cartes varie en fonction de la latitude ?

·     Je vous expliquerais un jour le principe de la projection de Mercator, qui fait que les îles paraissent toujours plus grandes, qu’elles ne sont, au nord de la carte, ou à l’extrême sud. Les drisses, les écoutes... ? Croyez-vous qu’il serait pratique de demander à un équipier de tirer la corde qui se trouve la-bas, à gauche, non pas celle-là, l’autre à côté, alors qu’il suffit de lui demander d’étarquer la drisse de grand-voile pour qu’il ait parfaitement compris ? La précision du langage est essentielle dans un sport d’équipe à forte composante technique. Quant à bâbord et à tribord, croyez-vous qu’il serait plus pratique de dire « à la gauche du bateau, en regardant vers l’avant » ou « à la droite du bateau en regardant vers l’avant » ? Et puis il existe un moyen mnémotechnique si simple, il suffit de se souvenir de l’origine de ces deux termes et de réécrire, par l’esprit, le mot « batterie » au-dessus de l’ouverture de la descente vers l’intérieur du bateau, pour retrouver le « BA » bord et le « TeRI » bord ! De toute façon, même si ces termes n’avaient aucun intérêt technique actuel, que faites-vous de la culture et même du folklore marin ?

·     Arrêtez, n’en ajoutez plus, je suis confuse de l’énormité de la bêtise que j’ai énoncée !

 

 

* * 20 * *

 

En fin d’après-midi, ils revinrent vers les îles. Alors que la plupart des bateaux présents dans la journée étaient déjà partis, ou commençaient à le faire, ils pénétrèrent dans la passe par l’est, au moteur, et vinrent mouiller devant le petit port des moines. Dès que le bateau fut stabilisé, Paul fit entrer la jeune femme à l’intérieur et lui offrit une boisson chaude. Confortablement installée dans le vaste carré, dont les reflets chauds du bois exotique mettaient en valeur sa chevelure flamboyante, Marine était silencieuse, perdue dans ses rêves. Paul respecta son silence. Après avoir bu son thé, il déposa un baiser léger sur la tête de la jeune femme et, après lui avoir demandé à voix très basse de ne pas bouger, il sortit dans le cockpit. Il extirpa une annexe gonflable, qui était pliée dans un coffre, et s’employa à la gonfler et à l’équiper de son plancher en bois vernis. Ceci fait, il la lança à l’eau, près de la plage de la poupe, et installa un petit moteur hors-bord sur son tableau arrière. Au moment où il achevait la préparation de l’annexe, Marine sortie de la cabine en s’étirant.

·     Je crois que j’ai été enivrée par l’air marin. Je n’ai d’ailleurs pas eu le mal de mer.

Elle semblait découvrir soudain, avec plaisir, l’absence du moindre malaise tout au long de la journée.

·     La malédiction familiale est levée !

·     Je ressemble d’ailleurs plus à mon père qu’à ma mère, sur bien des points.

·     Pas trop, j’espère...

Elle éclata de rire en hochant la tête.

·     Vous ne serez donc jamais sérieux ?

·     Jamais ! J’en ai fait le serment.

·     Tant mieux, je n’aime pas les gens qui se prennent au sérieux !

·     Prenez une petite laine, nous allons voir un double spectacle.

Paul et Marine embarquèrent dans l’annexe pour se rendre à terre. Ils débarquèrent dans le fond ensablé du petit port, où ils laissèrent le pneumatique, en le tirant à sec, moteur relevé. Le soleil était déjà bas sur l’horizon. En dehors de quelques bateaux, dont l’équipage s’apprêtait à passer la nuit sur place, la plus grande partie de ceux qui étaient présents dans l’après-midi étaient retournés dans leurs ports d’origine.

Quand ils commencèrent leur promenade, sur le chemin qui fait le tour de la partie ouest de l’île, celle qui est réservée au public, l’autre étant dévolue aux moines, ils constatèrent qu’ils étaient seuls. Ils marchaient sous les pins, au milieu de plantes odorantes. Ils parvinrent, à l’extrémité ouest, au moment où le soleil commençait à disparaître derrière le massif de l’Estérel. Le ciel était couleur safran au-dessus du massif, dont les contours étaient dessinés, à contre-jour, par des rayons dorés, obliques. La mer murmurait à leurs pieds, avec le calme qui survient généralement le soir en Méditerranée. Autour d’eux, la nature exhalait les effluves de mille fragrances libérées par la chaleur du soleil, dont la terre, les rochers et les plantes, étaient encore gorgés. Côte à côte, en silence, ils regardaient le disque d’or s’enfoncer, dans ce que les anciens croyaient être le royaume des ombres. Ils voyaient les montagnes, à l’horizon, se transformer en une masse dorée indéfinie, puis, lentement, se redessiner à nouveau en ombres bleutées, à mesure que les lueurs de l’astre s’éteignaient. Une douce mélancolie s’emparait d’eux, la mort du soleil annonçait la fin de la merveilleuse journée qu’ils venaient de passer ensemble. Elle était pourtant, en même temps, porteuse d’espoir, d’autres journées suivraient et ils sentaient, tous les deux, qu’elles ne seraient pas tout à fait les mêmes que celles qui avaient précédés le jour de leur première rencontre. Une amitié était née, qui marquerait de son sceau leur avenir proche. Paul se tourna vers la jeune femme.

·     Croyez-vous en Dieu ?

·     Ce magnifique spectacle me semble être une preuve de l’existence de Dieu.

·     Si votre dieu est un dieu de beauté et de douceur, vous allez le rencontrer dans quelques instants.

La jeune femme regardait son compagnon sans comprendre où il voulait en venir.

·     Avez-vous oublié le spectacle ? Il commence à 20 heures précises.

Comme il voyait qu’elle ne saisissait toujours pas à quoi il voulait en venir, il insista.

·     Que se passe-t-il, dans un monastère, à 20 heures précises ?

Elle hésitait en secouant la tête en signe de négation et puis, soudain, ses yeux s’éclairèrent.

·     Complies ! Les moines vont à complies.

·     Et nous y allons aussi !

·     Comment pouvez-vous parler d’une messe comme s’il s’agissait d’un spectacle ?

·     Parce que, pour un non croyant, comme moi, la messe de complies, célébrée au monastère de Saint-Honorat, en cette période de l’année, est un merveilleux spectacle.

·     Pourquoi en cette période de l’année ?

·     Vous comprendrez tout à l’heure pourquoi il faut qu’il fasse noir, pour l’instant appréciez la douceur du soir pendant que nous poursuivons notre promenade en nous rapprochant de l’entrée du monastère.

Ils déambulèrent lentement dans des chemins parfumés d’effluves sauvages. Insensiblement, la jeune femme s’était rapprochée de Paul, prenant son bras pour mieux partager avec lui ces précieuses minutes. L’obscurité se faisait rapidement. A mesure que le ciel devenait sombre, une lueur incertaine semblait naître du sol et des plantes autour d’eux. C’étaient les rayons de la pleine lune, qui montait à l’horizon, remplaçant la violente lumière solaire par sa douce clarté.

A 19 heures 45, ils parvinrent devant la porte du monastère qui était fermée. Elle était plongée dans une obscurité complète par l’ombre de grands arbres. Aucune lueur, aucun bruit ne semblaient indiquer qu’une vie existait au-delà de ces hauts murs. Instinctivement, Marine vint se blottir dans les bras de Paul. Celui-ci la pris dans ses bras avec beaucoup de tendresse et de pudeur, comme si elle était une jeune sœur. Elle posa sa joue contre son épaule et il était heureux de sentir la confiance qui s’était installée entre eux. Il songea que, même s’il n’obtenait d’elle qu’une amitié, celle-ci lui serait plus précieuse que bien des amours qu’il avait connues.

Un petit bruit leur parvint de l’enceinte, quelques instants plus tard, un portillon s’ouvrait en grinçant légèrement. La silhouette noire du frère portier se découpa dans la faible lueur de l’ouverture. Il les accueillit avec beaucoup de gentillesse, les fit entrer, referma la porte derrière eux et les conduisit vers la chapelle dans une obscurité totale. Il alluma une lampe de poche, qu’il n’avait pas utilisée jusqu’ici, pour éclairer leur pas. C’était un bavard impénitent, en quelques minutes il leur fit part de tous les petits potins du monastère : la mort récente d’un moine, le jubilé du prieur... Il les fit entrer, par le portail principal, dans une grande chapelle plongée dans une semi-obscurité, leur demandant d’attendre, assis sur l’un des bancs réservés au public. Pour l’instant, le bâtiment était vide de toute présence humaine, éclairé simplement par quelques cierges placés sur l’autel. Ils restèrent immobiles, serrés l’un contre l’autre, silencieux.

Au bout de quelques minutes, des pas furtifs se firent entendre. Trois ombres discrètes se glissèrent dans la chapelle, par une porte donnant vers l’intérieur du monastère. C’était deux religieuses et une jeune femme, qui entrèrent ensemble, sans se parler, et vinrent s’asseoir derrière eux en s’écartant délibérément les unes des autres. Le silence se fit à nouveau.

Soudain, ils perçurent un froufroutement de robes qui provenait d’un couloir débouchant au milieu d’un mur latéral de la chapelle. Marine posa une main sur le bras de son voisin. Le froufroutement s’amplifiait. Bientôt, le premier moine entra, se dirigeant vers l’une des stalles qui occupaient la partie avant de la chapelle, devant l’autel. Tous les moines arrivaient en procession. Ils portaient, sur leurs têtes, les capuches de leurs robes de bure. Ils avançaient les bras croisés, la tête baissée vers le sol. A leur entrée dans la chapelle, l’un partait vers la droite, le suivant vers la gauche, de façon à occuper simultanément, et de façon égale, les deux stalles qui se faisaient face. Paul compta mentalement soixante moines.

L’abbé entra le dernier et se rendit devant l’autel pour dire la messe. Dans la pénombre du bâtiment, Paul et Marine assistèrent à une messe en latin, la langue locale, accompagnée de merveilleux chants grégoriens. Le choeur des moines était superbe et témoignait d’une longue habitude de chanter ensemble. Paul se prit à penser que, pour arriver à une telle perfection, il fallait qu’ils aient eu, à un moment donné, un chef de chœurs.

Après la messe traditionnelle, un silence se fit dans l’édifice. Un frère, sorti de nulle part, moucha prestement toutes les chandelles. L’édifice fut alors plongé dans une obscurité totale. Un chant de ténor s’éleva, semblable à celui d’un rossignol dans la nuit. Après quelques mesures, un projecteur s’éclaira, illuminant une statue de la vierge placée dans une niche creusée très haut au-dessus de l’autel. A l’apparition de la statue, le chœur des moines entonna un contre-chant, qui venait souligner la pureté de l’hymne à Marie, chanté par le ténor. Marine, qui avait suivi avec beaucoup d’émotion toute la messe, était littéralement transportée par la sublime beauté de la musique. Elle avait l’impression de suivre, dans l’espace, la statue violemment éclairée et environnée par le noir absolu, qui semblait s’élever vers les cieux.

Quand l’hymne fut terminé, le frère ralluma les cierges qu’il avait éteints précédemment. Les moines se levèrent en silence et parcoururent le chemin inverse de celui qu’il avait suivi en arrivant, en retrouvant spontanément les mêmes attitudes. Quelques instants plus tard, le froufroutement des robes s’éloigna dans le couloir menant au monastère. Les trois femmes silencieuses, qui s’étaient installées derrière eux, se levèrent et disparurent à leur tour. Le frère portier ouvrit le portail donnant sur l’extérieur de la chapelle et les attendit pour les raccompagner jusqu'à l’entrée de l’enceinte.

Sur le chemin du retour, le portier bavarda encore abondamment, alors que les deux visiteurs restaient silencieux, la gorge serrée.

Quand ils furent seuls, Marine prit la parole.

·     Vous êtes un très curieux personnage. Je vous ai observé pendant l’hymne à Marie, j’ai vu des larmes dans vos yeux. A un moment, vous êtes un passionné d’armes à feu, qui caresse amoureusement d'affreux engins de mort ; l’instant d’après, vous pleurez en écoutant un chant religieux alors que vous avouez être athée. Qui êtes-vous donc, Paul Morelli ?

·     Un homme, simplement un homme, avec toutes ses contradictions, ses forces et ses faiblesses.

 

 

* * 21 * *

  

Revenus au bateau, Paul et Marine commencèrent par dîner dans le cockpit. Paul avait installé un barbecue en acier inoxydable, fixé à un chandelier du bastingage, sur lequel il prépara des grillades. Après un frugal repas, le copieux déjeuner chez Frédéric n’étant pas encore complètement oublié, ils se retrouvèrent dans l’intimité du carré. Paul servit à la jeune femme un petit verre de Lérina, venant d’une bouteille prise dans le bar du bateau, pour qu’elle puisse apprécier les vertus digestives de cette liqueur. Il se contenta d’une infusion.

Marine était silencieuse depuis un bon moment, elle sentait que l’instant approchait où son ami allait lui faire-part de ses doutes dans l’affaire Ballestra. Elle était un peu tendue en pensant que cette révélation, si elle en était une, pouvait avoir d'énormes conséquences sur son avenir. Paul resta quelques minutes silencieux, en regardant la fumée de son infusion, puis pris la parole. Il raconta, avec un grand luxe de détails, la scène qui s’était produite récemment sur le bateau.

·     Ce n’est qu’une intuition, peut-être une fausse intuition, mais ce fut comme une révélation qui m’a profondément bouleversé.

·     Je crois aux intuitions, surtout quand elles portent sur des personnes avec lesquelles on a atteint un degré avancé d’intimité. Je crois que celle-ci s’est construite, dans votre subconscient, au fil de vos rencontres avec Pascal. Un certain nombre d’indices indéfinissables se sont ajoutés, les uns aux autres, pour constituer, en finale, une intime conviction. L’hypothèse d’un crime réalisé par un tueur fou, sans aucune motivation, est extrêmement séduisante. Elle explique, d’un coup, toutes les invraisemblances de cette affaire, et les difficultés qu’ont les policiers pour trouver une piste.

·     Oui, mais ce n’est qu’une intuition, sans l’ombre d’une preuve. Je crois que ce garçon est capable d’un acte fou, pour la beauté ou pour l’horreur du geste. Mais rien ne me permet de l’accuser. J’ai pensé un moment en parler au commissaire Bertrand. C’est un homme charmant et intelligent, mais il me prendrait pour un fou et je répugne à dénoncer Pascal à la police.

·     Aucun espoir du côté de la police, il ne faudra compter que sur nous-mêmes. Il ne faudrait pas rompre le contact avec ce jeune homme, vous seul avez pu attirer son amitié, vous seul pouvez le confondre. Mais cela risque d’être très dangereux pour vous.

·     Je ne crois pas ! Du moins, il ne me réserve pas le même sort qu’à Ballestra. Il serait stupide de faire deux fois la même chose et, s’il avait voulu le faire, il en aurait eu déjà plusieurs fois l’occasion. Ma peur panique était sans motif direct. Je sais d’ailleurs ce qu’il attend de moi, il me l’a déjà suggéré.

·     Quoi ?

·     Il veut que nous nous battions en duel, chacun avec une arme équipée d’un viseur à point rouge. Je croyais qu’il plaisantait, quand il m’a parlé de ce duel. A présent, je sais qu’il était sérieux.

·     Pourquoi vous ?

·     Parce qu’on lui a vanté mes qualités de tireur, en tirs rapides, et parce qu’il pense que je suis capable d’accepter.

·     Ce n’est pas vrai ?

·     Maintenant ce n’est plus vrai, cela l’était peut-être il y a quelques jours encore.

La jeune femme sourit et posa sa main sur celle de Paul, avec un petit mouvement de tête.

·     Vous n’étiez pourtant pas désespéré ?

·     Non ! Pas désespéré, désabusé peut-être, un peu fou surtout. Comment imaginer qu’un passionné du tir rapide puisse ne pas avoir rêvé d’affronter un autre tireur en combat singulier, comme dans un western ? Notre passion vient de là, des images de western qui ont peuplé notre enfance. Tous les concours du monde ne vaudront jamais un affrontement d’homme à homme. C’est l’épreuve de vérité absolue.

·     C’est vrai que vous êtes un peu fou... Mais, j’ai cru comprendre que ma présence vous rend plus raisonnable.

·     Ou plus lâche... Non, votre arrivée dans ma vie me donne une forte motivation pour vivre, je suis trop intéressé à connaître la suite de notre histoire, pour prendre le risque de quitter la salle avant la fin du film.

·     Tant mieux ! Ma venue aura au moins servi à quelque chose. Bon, essayons de dresser un plan de bataille. Vous reprenez contact avec lui, en rétablissant vos relations au niveau qu’elles avaient atteint au moment de cette malheureuse sortie en mer. Moi, je rentre à Paris, je tente de convaincre mon rédacteur en chef de me renvoyer à Nice sur cette affaire. Il faudra peut-être que je lui lâche quelques informations sur vos intuitions. Vous ne prenez aucun risque tant que je ne suis pas de retour. Quand je serai revenu, nous aviserons d’une stratégie.

·     Vous êtes sûre de vouloir rentrer demain matin à Paris ?

·     Oui, certaine, et c’est de plus en plus nécessaire, il va falloir que je prépare sérieusement ma rencontre avec mon rédacteur en chef, lundi matin. Avec vous je suis incapable de travailler.

·     Je me demande si c’est un compliment ou une critique.

·     C’est un compliment, n’en doutez pas.

Elle se souleva sur ses coudes et déposa un baiser furtif sur les lèvres de Paul.

·      Non seulement nous sommes amis, mais, en plus, nous sommes associés, à présent !